Décryptage

“Sur l’éolien, nous avons encore des efforts à accomplir pour sortir de la dialectique figée entre pro et anti”

L’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables au Sénat puis à l’Assemblée a été marqué par des échanges nourris et de nombreux amendements, qui rappellent que certaines controverses ont la vie dure. Principal sujet de discorde : l’éolien. Le point avec Stefan Louillat, chef du service Électricité renouvelable et réseaux à l’ADEME.


Qu’est-ce qui motive l’ADEME à prendre une nouvelle fois la parole sur le sujet de l’éolien ?
Stefan Louillat

Tout simplement parce que cela fait partie de nos missions ! Le contrat d’objectifs et de performance de l’ADEME précise noir sur blanc que l’Agence doit « faciliter le développement des énergies renouvelables ». Cela passe par l’accompagnement des objectifs que la France se donne dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous enrichissons les connaissances sur les gisements d’énergies renouvelables afin que ces objectifs soient atteignables et réalistes. Nous sommes aussi chargés d’éclairer le débat avec des informations objectives et scientifiquement éprouvées. Elles sont des ressources pour l’État pour l’élaboration de politiques publiques et pour participer aux échanges concernant les impacts des filières, notamment l’éolien. L’intensité des débats qui ont eu lieu au Sénat et à l’Assemblée, au sujet du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, témoigne du fait que nous avons encore des efforts à accomplir pour sortir de la dialectique figée entre les pro et les anti…

Quels sont les sujets qui reviennent le plus dans les débats ?
S. L.

On entend souvent dire que l’éolien ne peut pas être une énergie durable car elle menace directement la biodiversité, à commencer par les oiseaux et les chauves-souris. C’est une inquiétude légitime, qui est prise en compte par les développeurs de projets. En France, chaque autorisation d’exploitation est conditionnée à la réalisation d’une étude d’impact. Cette dernière peut déboucher sur des mesures destinées à éviter au maximum les conséquences néfastes pour l’avifaune et les chiroptères, voire à les compenser. Des programmes de bridage ont notamment été développés : ils consistent à ralentir ou arrêter le fonctionnement des éoliennes aux « heures de pointe » du passage des oiseaux ou des chauves-souris et en période migratoire.

Quid des impacts sur l’homme ?
S. L. 

Les acteurs de la filière éolienne doivent également maîtriser les conséquences pour les riverains, notamment les nuisances sonores. Sur ce point, la France est l’un des pays européens ayant la réglementation la plus stricte. Ainsi, depuis 2011, l’acoustique de l’éolien est réglementée par un décret qui fixe un seuil de niveau ambiant à 35 décibels (dB) dans les zones constructibles, à l’intérieur des immeubles et au niveau de leurs extérieurs proches, ainsi que les valeurs de dépassement maximum. Ces dernières sont de 5 dB le jour et de 3 dB la nuit. En mars 2022, le gouvernement a autorisé les préfets à mettre en œuvre des plans de bridage pouvant aller jusqu’à l’arrêt de l’installation en cas de dépassement de ces plafonds. Les développeurs s’attachent également à réduire les impacts lumineux. Deux expérimentations ont été engagées dans ce sens, portant sur l’orientation des signaux lumineux vers le ciel et sur le déclenchement du balisage uniquement au passage d’un avion. Pour donner suite à ces expérimentations et depuis 2022, les exploitants de parcs éoliens sont autorisés à utiliser des balisages dotés d’une intensité lumineuse moindre pour limiter ces impacts.

Il y a aussi des controverses relatives au coût de l’éolien…
S. L. 

Il est vrai qu’on entend souvent dire que l’éolien coûte cher et enrichit surtout les développeurs… Or le coût de production est en constante diminution. Il était de 82 €/MWh il y a cinq ans, de 60 €/MWh en 2021 et on estime qu’il pourrait atteindre 50 €/MWh en 2030. Par ailleurs, en novembre 2022, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a annoncé que les énergies renouvelables devraient rapporter une recette de plus de 30 milliards d’euros à l’État sur la période 2022-2023, dont les deux tiers environ attribuables à l’éolien. Nous devons cette situation favorable au mécanisme de soutien par complément de rémunération. Celui-ci garantit un certain niveau de prix d’achat de l’électricité aux producteurs d’énergies renouvelables, qui en retour reversent la différence quand les prix du marché dépassent ce prix garanti – ce qui est le cas aujourd’hui. D’après les chiffres publiés par la CRE, la contribution de l’éolien aux charges de service public de l’énergie en 2022 et 2023 (près de 21,7 M€) aura largement compensé les dépenses de soutien à la filière depuis 2003 (11,5 M€ au total).

Si vous aviez un souhait à formuler pour que le débat sur l’éolien s’apaise enfin ?
S. L. 

Plus de concertation ! C’est en créant les conditions d’un véritable débat, local et éclairé, que l’on sortira des controverses stériles. Depuis 2022, l’État impose aux développeurs de consulter les maires avant le lancement d’un projet avec l’obligation de répondre formellement aux observations qu’ils pourraient formuler. La mise en place de comités régionaux de l’énergie va dans le même sens. De son côté, l’ADEME, en partenariat avec les collectivités, a déployé en 2022 un réseau de conseillers régionaux, baptisé les Générateurs, dont la mission est d’accompagner les communes dans leurs relations avec les différentes parties prenantes.

19 %

la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français (chiffres 2020). Objectif : atteindre 34 % à 38 % en 2028.

2,3 %

la part de l’éolien dans ces 19 %, qui se classe en 3e position après le bois-énergie et l’hydraulique.

7 %

la part de l’éolien dans le mix électrique français. Objectif : atteindre 20 % en 2030.